MÉMOIRE
Joseph Baker, Architecte
ADRÉSSÉ AUX AUTORITÉS COMPTÉTENTES DE LA VILLE DE MONTRÉAL, L’ARRONDISSEMENT DU PLATEAU ET LE MINISTÈRE DE LA CULTURE
27 mai 2013
OBJET: Démolition de 60 rue Milton
Suite aux audiences publiques du 21 juin 2001, le ministère de la Culture et des Communications a accordé une protection à la Maison Notman ainsi qu’à l'extérieur de St. Margaret's Home. Cette décision a mis fin au projet du promoteur qui visait l'aménagement d'un bar/club à l'intérieur de l'ancienne demeure du photographe notable ainsi que la démolition de l'ancienne résidence pour femmes. Il est regrettable que la même protection du ministère n'ait pas été accordée aux jardin et arbres qui se trouvent à l'arrière de la propriété.
Un nouveau projet soumis par le même promoteur à l’arrondissement du Plateau Mont-Royal, propose la construction d'un nouvel édifice à condos sur le jardin et aligné sur la rue Milton. Cette nouvelle construction exigerait la démolition d’un petit édifice de deux étages situé au coin nord-est du site. Lors d’une séance publique, tenue le 2 novembre 2004, un comité curieusement nommé le «Comité de démolition» a eu à se pencher sur cette dernière proposition. À cette occasion, les représentants du promoteur ont exposé leur projet en insistant sur les mesures adoptées pour conserver la majorité des arbres. Malheureusement, ce sont les espèces les plus imposantes et les arbres les plus mûrs qui devront être sacrifiés pour céder la place à l’édifice. Il va sans dire que la jouissance de ce jardin sera réservée aux résidents du développement privé.
Les résidents des maisons situées sur le côté nord de la rue Milton ont bien raison d'être préoccupés par ce projet qui risque de les priver du calme et du plaisir qu’ils ont pu tirés pendant de nombreuses années de cette aire paisible de beauté naturelle. Ils ont également raison de mettre en question la densité et la hauteur de l'édifice proposé qui excède largement l'échelle et le caractère de leurs maisons unifamiliales à deux étages. Bien que j'appuie fortement leur position concernant la hauteur et le caractère du projet proposé, ce sont deux autres aspects du projet qui me préoccupent :
- la perte d'un espace vert qui à toutes fins pratiques faisait partie du domaine public depuis longtemps.
- l'intégrité du site patrimonial qui devrait être composé de trois éléments : La Maison Notman, le St. Margaret’s Home et son jardin.
Je crois qu'on n'a pas accordé l'importance voulue au rôle que joue cet espace dans le contexte urbain actuel. À l'ouest du site se trouve un immeuble de treize étages construit pendant une période de développement irréfléchi des années soixante lequel a menacé le quartier entier depuis les portes de l'université McGill jusqu'au Boulevard St-Laurent. Cet édifice occupe 100% de sa propriété entre la rue St-Urbain et la ruelle à l'arrière. Sans aucun dégagement autour de l'immeuble, la tour jouit de la vue et du répit que fournissent le jardin menacé et la petite dépendance du 60 rue Milton.
Lors de la réunion du 2 novembre 2004, le propriétaire actuel de la tour d’appartements a déclaré avoir honte du caractère architectural de son propre édifice. Il n'en reste pas moins que les trois éléments, à savoir la tour, les maisons rangées de la rue Milton et l'espace vert du jardin constituent une composition urbaine tout à fait acceptable. Permettre la démolition du petit édifice 60 Milton, permettre la construction d'un édifice sur une grande partie du jardin et ainsi divorcer le jardin de sa complicité avec les maisons avoisinantes, c'est faire fi des principes d'une composition urbaine harmonieuse.
L'espace urbain est une entité physique aussi réelle et substantielle que les éléments bâtis qui l'entourent et qui lui donnent forme. Il ne faut pas le confondre avec un terrain vague, un espace amorphe. Dans notre ville, nous connaissons trop bien ces terrains produits de nombreuses démolitions d'antan. St. Margaret's Home, la tour de la rue St-Urbain et les maisons de la rue Milton transforment le jardin en véritable espace urbain. En fait, le redéveloppement du site avoisinant, présentement occupé, contre tout bon sens, par une station d'essence, des aires d'asphalte et un dépanneur, ajouterait un jour un autre élément à cette composition urbaine.
La Ville de Montréal s'est engagée à renforcer la protection des espaces verts dans la ville et sa bonne volonté ne fait aucun doute. Cependant, cette protection vise surtout les grandes aires boisées menacées par le développement immobilier. Et pourtant, dans les différents quartiers de la ville, les petites poches de terrain de verdure, munies d'arbres mûres, offrent aux habitants des lieux de tranquillité et de repos. On ne peut surestimer l'importance de tels espaces. L'acquisition et la saine administration de ces ressources devraient faire partie d'une politique municipale.
Il n'existe aucun doute que la vocation de la Maison Notman et son jardin devrait être associée à la vie et à l'œuvre de ce grand photographe.
En attendant que le ministère de la Culture et des Communications accepte d'entendre à nouveau les revendications des citoyens au sujet de la protection du site dans son ensemble et de rendre sa décision, le Comité de démolition ne devrait pas accorder son approbation à la démolition du 60 rue Milton. Pour le moment, la conservation de ce petit édifice offre la meilleure protection de l'intégrité de ce site patrimonial.
Je pense que le projet d'un parc proposé par les citoyens est excellent et fait un cas irréfutable de l'intervention municipale et provinciale qui ne doit pas être ignoré. Ces autorités publiques doivent veiller à la protection des arbres et de 60 Milton contre l'action destructrice par le promoteur alors que l'avenir du site est en cours d'examen. Dans la ville de Québec, 70 arbres sur le site d'une propriété ecclésiastique sur la Colline Parlementaire ont été détruits pendant la nuit par la tronçonneuse d'un gang, ce qui a mis un terme à la discussion avec un Gouvernement du Québec quant à son avenir. L'administration du Plateau doit indiquer très clairement au promoteur qu'il subira de graves conséquences doit-il prendre des mesures prématurées et illégales.
Je suis heureux d'offrir mon soutien à la proposition d'un parc public sur le site du jardin Notman.
(SIGNÉ)
Joseph Baker, Architecte
FRAIC (Fellow of the Royal Architectural Institute of Canada)
APOAQ (Past President of the Order of Architects of Quebec)
Ancien directeur de l' École d'architecture de l'Université Laval
Joseph Baker, Architecte
ADRÉSSÉ AUX AUTORITÉS COMPTÉTENTES DE LA VILLE DE MONTRÉAL, L’ARRONDISSEMENT DU PLATEAU ET LE MINISTÈRE DE LA CULTURE
27 mai 2013
OBJET: Démolition de 60 rue Milton
Suite aux audiences publiques du 21 juin 2001, le ministère de la Culture et des Communications a accordé une protection à la Maison Notman ainsi qu’à l'extérieur de St. Margaret's Home. Cette décision a mis fin au projet du promoteur qui visait l'aménagement d'un bar/club à l'intérieur de l'ancienne demeure du photographe notable ainsi que la démolition de l'ancienne résidence pour femmes. Il est regrettable que la même protection du ministère n'ait pas été accordée aux jardin et arbres qui se trouvent à l'arrière de la propriété.
Un nouveau projet soumis par le même promoteur à l’arrondissement du Plateau Mont-Royal, propose la construction d'un nouvel édifice à condos sur le jardin et aligné sur la rue Milton. Cette nouvelle construction exigerait la démolition d’un petit édifice de deux étages situé au coin nord-est du site. Lors d’une séance publique, tenue le 2 novembre 2004, un comité curieusement nommé le «Comité de démolition» a eu à se pencher sur cette dernière proposition. À cette occasion, les représentants du promoteur ont exposé leur projet en insistant sur les mesures adoptées pour conserver la majorité des arbres. Malheureusement, ce sont les espèces les plus imposantes et les arbres les plus mûrs qui devront être sacrifiés pour céder la place à l’édifice. Il va sans dire que la jouissance de ce jardin sera réservée aux résidents du développement privé.
Les résidents des maisons situées sur le côté nord de la rue Milton ont bien raison d'être préoccupés par ce projet qui risque de les priver du calme et du plaisir qu’ils ont pu tirés pendant de nombreuses années de cette aire paisible de beauté naturelle. Ils ont également raison de mettre en question la densité et la hauteur de l'édifice proposé qui excède largement l'échelle et le caractère de leurs maisons unifamiliales à deux étages. Bien que j'appuie fortement leur position concernant la hauteur et le caractère du projet proposé, ce sont deux autres aspects du projet qui me préoccupent :
- la perte d'un espace vert qui à toutes fins pratiques faisait partie du domaine public depuis longtemps.
- l'intégrité du site patrimonial qui devrait être composé de trois éléments : La Maison Notman, le St. Margaret’s Home et son jardin.
Je crois qu'on n'a pas accordé l'importance voulue au rôle que joue cet espace dans le contexte urbain actuel. À l'ouest du site se trouve un immeuble de treize étages construit pendant une période de développement irréfléchi des années soixante lequel a menacé le quartier entier depuis les portes de l'université McGill jusqu'au Boulevard St-Laurent. Cet édifice occupe 100% de sa propriété entre la rue St-Urbain et la ruelle à l'arrière. Sans aucun dégagement autour de l'immeuble, la tour jouit de la vue et du répit que fournissent le jardin menacé et la petite dépendance du 60 rue Milton.
Lors de la réunion du 2 novembre 2004, le propriétaire actuel de la tour d’appartements a déclaré avoir honte du caractère architectural de son propre édifice. Il n'en reste pas moins que les trois éléments, à savoir la tour, les maisons rangées de la rue Milton et l'espace vert du jardin constituent une composition urbaine tout à fait acceptable. Permettre la démolition du petit édifice 60 Milton, permettre la construction d'un édifice sur une grande partie du jardin et ainsi divorcer le jardin de sa complicité avec les maisons avoisinantes, c'est faire fi des principes d'une composition urbaine harmonieuse.
L'espace urbain est une entité physique aussi réelle et substantielle que les éléments bâtis qui l'entourent et qui lui donnent forme. Il ne faut pas le confondre avec un terrain vague, un espace amorphe. Dans notre ville, nous connaissons trop bien ces terrains produits de nombreuses démolitions d'antan. St. Margaret's Home, la tour de la rue St-Urbain et les maisons de la rue Milton transforment le jardin en véritable espace urbain. En fait, le redéveloppement du site avoisinant, présentement occupé, contre tout bon sens, par une station d'essence, des aires d'asphalte et un dépanneur, ajouterait un jour un autre élément à cette composition urbaine.
La Ville de Montréal s'est engagée à renforcer la protection des espaces verts dans la ville et sa bonne volonté ne fait aucun doute. Cependant, cette protection vise surtout les grandes aires boisées menacées par le développement immobilier. Et pourtant, dans les différents quartiers de la ville, les petites poches de terrain de verdure, munies d'arbres mûres, offrent aux habitants des lieux de tranquillité et de repos. On ne peut surestimer l'importance de tels espaces. L'acquisition et la saine administration de ces ressources devraient faire partie d'une politique municipale.
Il n'existe aucun doute que la vocation de la Maison Notman et son jardin devrait être associée à la vie et à l'œuvre de ce grand photographe.
En attendant que le ministère de la Culture et des Communications accepte d'entendre à nouveau les revendications des citoyens au sujet de la protection du site dans son ensemble et de rendre sa décision, le Comité de démolition ne devrait pas accorder son approbation à la démolition du 60 rue Milton. Pour le moment, la conservation de ce petit édifice offre la meilleure protection de l'intégrité de ce site patrimonial.
Je pense que le projet d'un parc proposé par les citoyens est excellent et fait un cas irréfutable de l'intervention municipale et provinciale qui ne doit pas être ignoré. Ces autorités publiques doivent veiller à la protection des arbres et de 60 Milton contre l'action destructrice par le promoteur alors que l'avenir du site est en cours d'examen. Dans la ville de Québec, 70 arbres sur le site d'une propriété ecclésiastique sur la Colline Parlementaire ont été détruits pendant la nuit par la tronçonneuse d'un gang, ce qui a mis un terme à la discussion avec un Gouvernement du Québec quant à son avenir. L'administration du Plateau doit indiquer très clairement au promoteur qu'il subira de graves conséquences doit-il prendre des mesures prématurées et illégales.
Je suis heureux d'offrir mon soutien à la proposition d'un parc public sur le site du jardin Notman.
(SIGNÉ)
Joseph Baker, Architecte
FRAIC (Fellow of the Royal Architectural Institute of Canada)
APOAQ (Past President of the Order of Architects of Quebec)
Ancien directeur de l' École d'architecture de l'Université Laval